Par Julia Druelle
© Are you Syrious
De nouveau, la chaleur est écrasante. Après les intempéries de la semaine dernière, migrants et réfugiés luttent maintenant contre le soleil. À Belgrade, des centaines de personnes tentent de trouver un peu de répit à l’ombre des arbres de l’« Afghani park » et de l’« Info park », les deux parcs de Belgrade jouxtant la gare routière. Allongés sur de maigres morceaux de carton, femmes, hommes et enfants attendent des températures plus clémentes pour prendre la direction du nord. Seuls quelques enfants s’agitent, tuant le temps dans une partie de football, à quelques mètres d’un groupe de témoins de Jéhovah distribuant des prospectus ciblés en plusieurs langues.
Ils seraient entre 2 500 et 3 000 réfugiés en Serbie à l’heure actuelle, selon les chiffres du gouvernement. À Belgrade, l’ONG Refugee Aid Miksalište comptait jeudi soir 600 à 700 personnes dormant dans ces deux parcs. Un chiffre en augmentation ces dernières semaines, particulièrement depuis le durcissement des conditions d’accès à l’asile européen en Hongrie — déjà très restreintes — ainsi que l’évacuation progressive du camp de Krnjača, à la sortie de Belgrade, par les autorités serbes.
Dans les locaux de l’ONG Refugee Aid Miksalište, Đorđe Kostić, l’un de ses managers, n’est gère optimiste. « Nous manquons de tout », explique-t-il. « De moyens mais aussi de bénévoles. La plupart des organisations humanitaires terminent actuellement leur mission, car la route des Balkans est officiellement fermée, pourtant la situation n’est pas réglée et nous nous attendons même à d’avantage d’arrivées avec les troubles actuels en Turquie. »
Médecin Sans Frontière (MSF) abonde également dans ce sens, soulignant dans un communiqué récent que « malgré les affirmations de certains dirigeants européens que le problème de la route des Balkans a été résolu par la fermeture des frontières, la situation humanitaire dramatique est loin d’être terminée. Aujourd’hui, des centaines de personnes vulnérables sont toujours bloquées en Serbie, [Macédoine] FYROM et en Bulgarie, essayant d’atteindre leurs destinations finales via des routes dangereuses aux mains de trafiquants, ou bloquées dans les zones de transit à la frontière serbo-hongroise ».
Vendredi, en signe de protestation contre ces conditions matérielles et psychologiques éprouvantes et la fermeture des frontières, 300 hommes ont entamé une grève de la faim avant de partir à pied en direction de la Hongrie. Le premier soir, ils étaient arrivés à Inđija, à une quarantaine de kilomètres de Belgrade.
« Le gouvernement serbe ne fait rien, si ce n’est donner l’ordre à la police de ne pas les battre », poursuit Đorđe Kostić. Vendredi dernier, le Premier ministre serbe Aleksandar Vučić a annoncé l’envoi de l’armée et de la police aux frontières pour empêcher les entrées illégales. Une décision qui tranche avec l’approche « humaine » jusque là adoptée par la Serbie, qui consistait à ne pas entraver le chemin des migrants. La semaine dernière, un rapport alarmant de Human Rights Watch pointait du doigt les cas de maltraitance et les renvois opérés à la frontière entre la Serbie et la Hongrie par les agents hongrois.
Derrière le cabanon de l’ONG Info parc, Doon et ses amis en savent quelque chose. Ces enfants afghans, voyageant seuls, sont bloqués en Serbie depuis un mois, après trois tentatives ratées de passer en Hongrie. Doon, treize ans, arbore des blessures au visage. « La police a attaqué notre groupe en Hongrie, raconte son ami Khan, douze ans, puis ils nous ont forcé à ramper de nouveau sous le grillage barbelé ». Ils se sont écorchés au passage.
Comme Doon et Khan, ils sont entre 100 et 150 mineurs non accompagnés à Belgrade, selon Refugee Aid Miksalište. Doon dit avoir avoir un frère en Allemagne et un autre en Norvège, qu’il aimerait rejoindre. Mais pour le moment, à peine entré dans l’adolescence, lui et ses amis dorment dans un parc de la capitale serbe, bloqués dans les limbes des frontières des Balkans. « Que peut-on faire maintenant ? », demande Doon perplexe, avant de reprendre la partie de foot interrompue